Onboarding Friction Annihilation

800 installations et seulement 40 active users = đŸ’©

J’ai rĂ©Ă©crit cet Ă©pisode quelques temps aprĂšs sa premiĂšre publication. Il ne me cringeait pas autant que les prĂ©cĂ©dents mais une repasse Ă©tait tout de mĂȘme nĂ©cessaire.

Par ailleurs, recruitivity, l’extension chrome dont on discute ici n’est plus maintenue (bien qu’elle soit toujours disponible et fonctionnelle).

On a un problĂšme :

Depuis que recruitivity (ex LinkedIn to Notion, notre extension chrome pour enregistrer des profils LinkedIn dans Notion) existe, la majoritĂ© des installations se soldent par des dĂ©sinstallations. Et encore, c’est sans compter ceux qui ont toujours l’extension mais ne l’utilisent pas.

Entre le 1er et le 27 janvier 2024, seules 40 personnes ont utilisĂ©e l’extension :

Ce que je viens de montrer en 3 photos, c’est que recruitivity Ă©tait un petit tonneau percĂ©. Evidemment, avant de le remplir, il fallait le reboucher. Et “reboucher” — comme pour la plupart des applications — ça voulait dire soigner notre onboarding.

C’est ce dont on va parler dans cet Ă©pisode. On va voir :

  • Que le seul but de l’onboarding, c’est d’arriver au “aha moment” le plus vite possible (i.e d’activer les utilisateurs).

  • Tout ce qu’on a fait pour amĂ©liorer notre onboarding (toboggan, battre le fer tant qu’il est encore chaud, roadmap d’onboarding, nudge, dictature, etc.).

  • Toutes les bonnes idĂ©es qu’on garde en stock pour l’avenir (labor illusion, emails d’onboarding et sound design).

AprĂšs, on sortira de l’onboarding, d’abord pour mettre fin au suspens (insoutenable lol) du dernier Ă©pisode, ensuite pour parler de sound design et enfin, pour l’épisode 2 de Write In Public.

Retention-first mindset

RĂ©duire la dimension du problĂšme

L’une des mĂ©triques les plus importantes pour n’importe quel produit, c’est la rĂ©tention (i.e la capacitĂ© Ă  conserver ses utilisateurs). Je sors pas cette affirmation de mon chapeau :

Justification extraite de Product-Led Growth de Wes Bush.

Et quand on part de 0, le premier moyen d’amĂ©liorer sa rĂ©tention, c’est de parfaire son onboarding, et ce, pour plusieurs raisons :

  • Les premiĂšres secondes de l’utilisateur avec un produit comptent beaucoup. On t’offre sa bonne volontĂ© pour la suite, qui pourrait Ă©ventuellement lui demander plus d’efforts.

  • L’utilisateur est plus susceptible de persĂ©vĂ©rer dans une voie dans laquelle il s’est dĂ©jĂ  investi (”j’ai quand mĂȘme pas fait tout cet onboarding pour rien ?”)

  • Il faut prioriser les chantiers dans le produit selon l’ordre dans lequel l’utilisateur les dĂ©couvre. C’est logique : si on commence par optimiser ce qu’il est censĂ© dĂ©couvrir en bout de chaĂźne, il aura eu mille occasions de dĂ©sinstaller le produit avant.

Bref, c’est comme ça qu’on a rĂ©duit la dimension du problĂšme. On est passĂ© d’un problĂšme de rĂ©tention (trĂšs large), Ă  un problĂšme d’onboarding (trĂšs prĂ©cis), qui allait avoir de l’impact sur la rĂ©tention in fine.

L’unique but de l’onboarding

On appelle activation le moment oĂč l’utilisateur expĂ©rimente la valeur d’un produit — une espĂšce de “aha moment”. Eh bien l’unique but de l’onboarding, c’est de minimiser la durĂ©e qui sĂ©pare l’installation du produit de l’activation de l’utilisateur (time-to-value → 0).

Pourquoi le nĂŽtre Ă©tait mauvais

C’est quoi un utilisateur activĂ© pour recruitivity ? Pour le moment, c’est juste un utilisateur qui a sauvegardĂ© un premier profil LinkedIn dans Notion. Or, pour que ce soit possible, deux conditions doivent ĂȘtre rĂ©unies :

  1. recruitivity doit avoir accĂšs Ă  son workspace

  2. Il doit avoir installé notre template de base de données.

Et rien que ces deux conditions lui demandent de passer par pas mal d’étapes (se connecter Ă  Notion, installer le template, revenir sur LinkedIn, choisir un profil, l’enregistrer, constater qu’il est bien dans la base de donnĂ©es).

Un peu comme un mail qu’on enverrait Ă  quelqu’un qui ne nous connait pas encore pour lui demander une faveur, on a non seulement intĂ©rĂȘt Ă  avoir rĂ©duit le nombre de paragraphes au strict minimum, mais Ă©galement Ă  avoir rendu la lecture la plus agrĂ©able possible.

Sinon : poubelle.

Bref, si on combine les chiffres du haut, et les retours qualitatifs des utilisateurs (“j’arrive pas Ă  me connecter Ă  Notion”, “j’arrive pas Ă  enregistrer un profil”, “je trouve pas le template”, etc.) on comprend facilement que notre onboarding Ă©tait dĂ©fectueux et que c’était bien ça notre prioritĂ©.

Heureusement, je crois qu’on vient de faire un bond en avant en s’appuyant sur les meilleurs prĂ©ceptes du growth, du design et de la psychologie — Ă  commencer par le framework psych.

Notre nouvel onboarding, en trois Ă©tapes

Etape 0 : battre le fer tant qu’il est encore chaud

ThĂ©oriquement, la jauge de psych de nos utilisateurs (la jauge d’énergie, grignotĂ©e ou rechargĂ©e par leur utilisation du produit) est haute lorsqu’ils viennent d’installer l’extension (joie et curiositĂ© de la dĂ©couverte).

L’idĂ©e Ă©tait de tabler sur ce haut niveau d’énergie pour les emmener jusqu’à l’apothĂ©ose : l’activation — le “aha moment”. On veut battre le fer pendant qu’il est encore chaud.

C’est pour cette raison que l’onboarding dĂ©marre immĂ©diatement aprĂšs l’installation de l’extension, par l’affichage d’une roadmap d’onboarding :

C’est une bonne pratique car :

  • elle permet de rappeler Ă  l’utilisateur la raison de sa prĂ©sence et le bĂ©nĂ©fice qu’il va en tirer (”never copy-pasting information from LinkedIn again”)

  • il comprend qu’il n’aura pas besoin de faire Les Douze Travaux d’AstĂ©rix pour utiliser l’outil.

En clair, on met l’utilisateur sur un toboggan Ă  partir du moment oĂč il installe l’extension et on fait tout pour qu’il glisse dessus le plus confortablement possible, jusqu’à l’activation.

D’ailleurs, je parle de toboggan, mais je devrais plutît parler de piste de bowling et des rails qu’on a mis dessus.

Etape 1 : les rails sur la piste de bowling

En fait, la premiĂšre Ă©tape sur cette piste de bowling, c’est la connexion Ă  Notion. Comme on peut s’en douter, si l’extension permet d’enregistrer des profils LinkedIn dans une base de donnĂ©es Notion, Ă  un moment, il faudra bien se connecter Ă  Notion.

Sauf que le workflow de connexion de Notion n’est pas idĂ©al. Il y a une Ă©tape dont on se serait bien passĂ© : celle oĂč on propose Ă  l’utilisateur d’utiliser ou bien le template qu’on lui suggĂšre (nous, les dĂ©veloppeurs de recruitivity) ou bien les pages Notion de son choix.

Il nous fallait un moyen de lui indiquer que c’est trĂšs important de choisir l’option “template des dĂ©veloppeurs”. Et je suis pas peu fier de l’idĂ©e qu’on a trouvĂ©e 🙂

Regardez attentivement 👀

C’est ce qu’on appelle un nudge — une petite pichenette qui sert à pousser l’utilisateur dans la bonne direction, en lui laissant le choix de ne pas suivre nos indications.

Par la suite en revanche, nous avons décidé de ne plus lui laisser.

Etape 2 : l’activation, la vraie

Minimiser les choix

Une fois l’utilisateur connectĂ© Ă  Notion, il doit enregistrer un premier profil LinkedIn. C’est l’étape la plus importante de notre onboarding : l’étape d’activation.

Mais tant qu’à enregistrer un profil LinkedIn, autant bien le choisir. Autant rediriger automatiquement l’utilisateur vers son propre profil.

Vous devinerez facilement pourquoi on a fait ça 😏 C’est une maniĂšre un peu astucieuse de faire d’une pierre deux coups et de recueillir des infos clĂ©s le concernant (s’il est recruteur, freelance ou CDI, dans quel pays, etc.).

Mais pas seulement.

Une fois que l’utilisateur arrive sur son profil, il faut encore qu’il l’enregistre. Donc, toujours dans le but d’aller vite (time-to-value → 0), on veut minimiser les clics.

Et cette fois-ci, pour y parvenir, on ne veut pas laisser le choix à l’utilisateur. Voilà pourquoi on fait s’ouvrir l’extension automatiquement.

Progressive disclosure

recruitivity comporte pas mal de fonctionnalitĂ©s mine de rien. Mais, pendant l’onboarding, on s’en fiche.

En vertu du principe de progressive disclosure, on prĂ©fĂšre ne pas accabler l’utilisateur, et attendre pour dĂ©voiler nos fonctionnalitĂ©s.

Or, lĂ , la seule fonctionnalitĂ© qui nous intĂ©resse pendant l’onboarding, c’est enregistrer un profil. C’est pour ça qu’on a rĂ©duit l’opacitĂ© de l’ensemble du formulaire, Ă  l’exception d’un seul Ă©lĂ©ment



le bouton “Save your first profile ✹”

Ensuite, une fois que l’utilisateur a cliquĂ© sur le bouton, il faut absolument l’avertir que le profil a bien Ă©tĂ© enregistrĂ©, et qu’il sache oĂč dans son workspace Notion.

On aurait pu mettre un simple call to action sur lequel il aurait eu la libertĂ© de cliquer pour ĂȘtre redirigĂ© vers le profil sauvegardĂ© dans Notion.

Mais dans cette section — vous l’avez compris — on se prĂ©occupe assez peu de libertĂ© đŸŒ

Ainsi, dĂšs lors que l’utilisateur enregistre son premier profil, on le redirige automatiquement vers le profil qu’il vient d’enregistrer, sous le format “side-peek” pour qu’il voie qu’il est bien dans une base de donnĂ©es.

C’est son “aha moment”. Ça y est, il est activĂ© 🎉

Abordons maintenant une des choses dont je suis le plus fier dans tout ce processus d’onboarding.

Ne pas réinventer la roue

Puisque l’utilisateur est activĂ©, en vertu du principe de progressive disclosure dĂ©jĂ  Ă©noncĂ©, on peut commencer Ă  lui prĂ©senter les autres fonctionnalitĂ©s (dĂ©tection de doublons, mise Ă  jour des profils dĂ©jĂ  prĂ©sents, Ă©dition des champs, sĂ©lection des bases de donnĂ©es, etc.).

Comment faire ? Une nouvelle roadmap ? Des modifications dans le produit pour révéler les fonctionnalités au fur et à mesure ?

Non.

C’est long. C’est laborieux. On peut faire beaucoup mieux.

Notion, non seulement c’est joli, mais en plus c’est parfait pour inclure n’importe quel type de mĂ©dia. On a dĂ©cidĂ© d’en profiter.

Au moment oĂč l’utilisateur enregistre le premier profil, au moment oĂč il est redirigĂ© vers la page qui vient d’ĂȘtre crĂ©Ă©e, il dĂ©couvre qu’on l’a agrĂ©mentĂ©e d’un petit cadeau



un tutoriel vidĂ©o qui lui explique toutes les autres fonctionnalitĂ©s ☄

Etape 3 : champagne

Voici venue la toute derniĂšre Ă©tape de notre roadmap d’onboarding. Celle qui pose les fondations de la rĂ©tention : Ă©pingler l’extension dans le navigateur.

Mais, en rĂ©alitĂ©, si cette derniĂšre Ă©tape est importante, ce n’est pas tant pour ces histoires de rĂ©tention, que parce que c’est la derniĂšre justement. Elle clĂŽture le flow d’onboarding. C’est donc le moment de congratuler l’utilisateur.

Il ne faut surtout pas tarir d’éloges, pour deux raisons :

  1. il doit comprendre qu’il est arrivĂ© au bout de l’onboarding, qu’il n’a plus rien Ă  faire pour utiliser l’extension

  2. il doit ĂȘtre satisfait d’en ĂȘtre venu Ă  bout et sentir que la friction initiale en valait la peine.

Et pour ça, on a utilisé des éléments de design assez classiques :

  • Du vert partout (vert = validĂ©; rouge = erreur)

  • Un message de confirmation (”you’re ready to go!”)

  • El famoso confettis.

TL;DR

  • On ne remplit pas un tonneau percĂ© : on optimise l’activation d’abord, la rĂ©tention ensuite, et l’acquisition enfin — pas l’inverse (mĂȘme s’il faut quand mĂȘme acquĂ©rir un minimum d’utilisateurs initialement, bien entendu).

  • Time-to-value → 0 : le but de l’onboarding c’est d’activer les utilisateurs le plus vite possible.

  • Battre le fer quand il est encore chaud : un onboarding induit nĂ©cessairement de la friction qui entamera la jauge de psych de l’utilisateur. Donc autant dĂ©marrer quand la jauge est bien remplie.

  • Bowling : l’onboarding est une piste de bowling la plus lisse possible sur laquelle on met des rails. On veut qu’à la fin — quoi qu’ait fait l’utilisateur — elle se clĂŽture par un strike.

  • La carotte sous le nez : rappeler Ă  l’utilisateur le bĂ©nĂ©fice qu’il tirera du produit une fois l’onboarding terminĂ©.

  • Dopamine : faire comprendre Ă  l’utilisateur que l’onboarding ne prendra pas longtemps, et lui distribuer des petits shots de dopamine aprĂšs chaque Ă©tape rĂ©ussie. C’est le but de la roadmap et des Ă©tapes qui s’affichent en vert au fur et Ă  mesure.

  • Éliminer la confusion :

    • pas de cassure visuelle dans le design des frames d’onboarding et de l’app elle-mĂȘme

    • clartĂ© absolue lorsque l’onboarding est fini

    • ne jamais avoir Ă  se demander si “ça a bien marchĂ©â€

    • etc.

  • Faire feu de tout bois : on ne peut rien changer au workflow d’authentification de Notion, en revanche, on peut y ajouter des nudges. C’est mieux d’inciter l’utilisateur plutĂŽt que de le contraindre, en vertu du principe de reactance.

  • Ego is the enemy : on est tentĂ© de tout montrer d’un produit dont on est fier, mais il est plus judicieux de se rĂ©frĂ©ner (cf. progressive disclosure).

  • Un soupçon de dictature : une façon d’aller vite, c’est de ne pas laisser le choix (mais attention Ă  la reactance).

  • Faire d’une pierre deux coups : il faut enregistrer un profil LinkedIn quoi qu’il arrive, donc autant bien le choisir. Lorsque des designers ont un choix arbitraire Ă  faire, ils devraient raisonner de la mĂȘme maniĂšre : comment faire d’une pierre deux coups ?

  • Des ƓillĂšres : plus l’attention de l’utilisateur est divisĂ©e, moins l’onboarding a de chances d’aboutir. C’est une bonne idĂ©e de lui mettre des ƓillĂšres et d’attirer son attention vers les Ă©lĂ©ments trĂšs spĂ©cifiques qu’il ne doit pas manquer (e.g le bouton “enregistrer”).

  • Ne pas rĂ©inventer la roue : plutĂŽt que de mettre des gifs et des vidĂ©os partout dans le produit, autant s’appuyer sur Notion avec lequel nos utilisateurs doivent de toute façon interagir.

  • Champagne : bien fĂ©liciter l’utilisateur quand il a fini.

Tout ces principes ne viennent pas de moi, je me contente de les recracher aprĂšs avoir lu :

Ce qu’il faut encore tenter

  • Labor Illusion : allonger artificiellement le temps d’exĂ©cution d’une fonctionnalitĂ© du produit si jamais son exĂ©cution normale est rapide au point de prĂȘter Ă  confusion.

    Exemple : installation de gmail et synchronisation de 14 367 contacts en 200ms. C’est tellement rapide qu’on finit par se demander : est-ce qu’il les a bien tous synchronisĂ©s ?

  • Emails d’onboarding : effectuer la progressive disclosure par email. DĂšs que l’utilisateur fait quelque chose de significatif dans l’app, on lui envoie la bonne ressource par mail pour lui permettre d’aller encore plus loin.

  • Sound design : le son a un impact colossal sur nos Ă©motions. Puisqu’on veut que la fin de l’onboarding soit une apothĂ©ose, on aurait pu utiliser du son en plus des confettis (ça par exemple lol).

Release ratée, sound design et write in public

  • Fin du suspens : voici l’erreur d’apprĂ©ciation qui nous a plombĂ© la release de recruitivity.

  • Je disais un peu plus haut qu’on aurait pu jouer un son Ă  la fin de l’onboarding pour fĂ©liciter l’utilisateur et augmenter encore un peu sa satisfaction. C’est ce qu’on appelle du sound design et le sujet n’est pas si anecdotique. J’en ai fait un petit billet.

  • Write in Public - Episode 2 đŸ‘‡ïž 

    Feuille blanche, divergence-convergence et How I Write.

À plus 🖖

Bastien.

Reply

or to participate.