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The age of b2b average
On a beau vanter les mérites de la diversité, le monde n’a jamais été aussi homogène. En particulier celui des entreprises.
Le monde n’a jamais été si homogène
On a beau vanter les mérites de la diversité, le monde n’a jamais été aussi homogène. La mondialisation et les réseaux sociaux sont en partie en cause (pour changer).
En lisant l’article du dessus, force est de constater que tout finit par se ressembler :
l’architecture (d’intérieur et d’extérieur)
les sites d’entreprises
les affiches de films
les titres de livres
les voitures
les logos
Le monde devient progressivement noir et blanc, la couleur disparait.
Littéralement.
Les voitures arboraient toutes les teintes il y a quelques décennies ; elles sont majoritairement noires, blanches ou grises aujourd’hui (malgré un léger sursaut depuis 10 ans).
Les intérieurs sont tous à la mode industrielle : design minimaliste, murs blancs, métal noir.
Le noir, le blanc et le gris ne sont pas moins bien que les autres couleurs dans l’absolu, mais on s’est restreint à trois teintes dans toute la palette disponible. Les possibilités de se différencier sont donc plus limitées.
Et c’est justement pour ça que je mentionne cet article : en parlant d’homogénéisation, de fait, l’auteur parle de différenciation — un sujet qui me tient à cœur.
Je propose donc d’en prendre la suite :
je vais d’abord l’étendre au b2b
puis expliquer pourquoi il faut se différencier selon moi
et, enfin, je donnerai quelques idées (simples) pour y parvenir.
Le monde n’a jamais été si homogène, en particulier celui du b2b
Landing pages

Dans l’ordre : Postman ; Zapier ; HubSpot ; Hunter ; Airtable ; dbt Labs ; Salesforce ; Albacross ; Metabase ; Enrow ; Baserow ; Amplitude ; FullEnrich ; PhantomBuster.
Mêmes menus.
Mêmes hero sections.
Mêmes call-to-actions.
Palettes de couleur

aha marrant ça : on me dit dans l’oreillette que le code du travail n’oblige PAS à utiliser du bleu 🌝
Polices de caractères

Du sans-sérif, éventuellement du sans-sérif, et (pour les plus audacieux), du sans-sérif.
LinkedIn Ads

Formule impérative : “ne perdez plus” ; “collectez” ; “identifiez” ; “unifiez” ; … Suivie d’une proposition de valeur simplissime, en une phrase.
Social content

Disclaimer
À ce stade, certains peuvent se dire :
“Eh, bastien tu charries, elle est hyper biaisée ta sélection, t’es allé chercher pile poil les exemples pour confirmer ta thèse. Énorme biais de confirmation.”
Certes. Et en même temps, j’ai pas eu à chercher quinze ans pour trouver mes exemples. Si les entreprises b2b avaient été toutes si différentes, j’aurais eu beaucoup plus de mal.
À vous d’être honnêtes : est-ce que vous oseriez dire que les entreprises b2b font de gros efforts de différentiation ?
“Eh, je tombe pas de l’armoire quand j’apprends que des entreprises qui vendent des produits similaires à une cible similaire finissent par se ressembler hein.”
Moi non plus.
Et à la fois, je pense que les gens meurent d’envie d’être surpris, d’être sortis de leur léthargie, d’être séduits. Donc même si la pente naturelle mène vers une palette bleue et une police sans-sérif, je suis certain qu’il y a une prime pour ceux qui oseront en dévier.
“Eh, bastien t’es gonflé, j’ai vu du orange, du violet, du bleu dans ta sélection.”
À ça, je répondrai la même chose que dans l’article de l’introduction : certes les couleurs changent (et encore), mais conceptuellement, la composition reste la même.
L’impression que ça vous laisse reste la même.
Pourquoi se différencier ?
Pour croître
Vous l’avez vu, pour évaluer les ressemblances entre les entreprises, je me suis surtout basé sur des critères visuels — l’identité visuelle en fait.
Or, en parlant d’identité visuelle, on parle de marque. [1] Et si vous êtes lecteurs assidus de la newsletter de Yann Leonardi, vous savez qu’une marque est un levier de croissance (très) puissant. C’est en fait le catalyseur de tous les efforts growth déployés par ailleurs.
Voilà pourquoi ça me tient à cœur : je trouve que des identités visuelles aussi indifférenciées sont l’apanage de marques faibles, et donc d’entreprises qui se privent d’un puissant levier de croissance.
Surtout avec l’arrivée de L’IA
Par construction, l’IA entraîne une regression vers la moyenne.
J’insiste sur : “regression vers la moyenne” car c’est ainsi qu’on entraîne les modèles de machine learning les plus simples.
Le but est justement qu’ils donnent un résultat qui ne dévie pas trop de la moyenne — le résultat le plus probable.
Typiquement, les LLM sont entraînés de manière à retourner les mots les plus probables, compte-tenu des mots qui précèdent dans une phrase :

Donc, si on utilise ce genre de modèles pour générer du contenu (ou quoi que ce soit d’autre d’ailleurs), phrase après phrase, on se retrouve avec du contenu prévisible, et donc, moyen.
Malheureusement, la force de frappe de l’IA est sans commune mesure ET de plus en plus de personnes l’utilisent pour générer des articles, des visuels, …
Donc internet est en voie d’être inondé par du contenu de plus en plus moyen.
Voilà pourquoi, la créativité, le bon goût et l’originalité seront de plus en plus rares et prisés. [2] En particulier pour les entreprises qui veulent croître, car prendre des parts de marché implique qu’on se souvienne d’elles plutôt que des autres.
Or, ce qui est différent se retient plus facilement. [3]
CQFD.Pour vivre une vie alignée
Ceci dit, je ne pense pas que la différenciation soit uniquement utile aux entreprises qui veulent prendre des parts de marché.
Je pense qu’elle l’est également aux entrepreneurs qui les ont fondées.
Suivez-moi, vous allez voir où je veux en venir.
On entend souvent qu’un mode de vie sain implique une séparation nette entre “vie pro” et “vie perso” — qu’on mélange pas les deux.
“No zob in job” 🌝
Mais en réalité, je me dis de plus en plus qu’une vie qui vaut la peine d’être vécue est une vie “intégrée” — une vie où tout est aligné : le perso et le pro ; les amis et les collègues ; l’entreprise et l’individu. [4]
Car, à tout cloisonner, on empêche des pans entiers de nos existences de s’alimenter positivement les uns les autres. Des exemples :
le sport — une activité typiquement “perso” — est l’assurance de mieux performer professionnellement
les collègues sont des personnes avec qui on partage du temps et un objectif (celui de l’entreprise) — un terreau fertile pour créer des amitiés qui ont du sens
à l’instar de Théo Lion, on peut même envisager l’entreprise comme une extension de l’individu — un moyen sophistiqué d’expression, de création et d’épanouissement personnel.
Mais, dès lors, en admettant simultanément que l’entreprise est un prolongement de l’individu, et que toutes les entreprises b2b se ressemblent, on se heurte à un problème :
soit tous les individus se ressemblent effectivement
soit ils n’osent pas exprimer leur individualité à travers leurs entreprises.
Je pense que la vérité se trouve quelque part au milieu.
On ne peut pas dire que tout le monde soit très différent : une majorité de gens ont des croyances, goûts et opinions parfaitement moyens.
Mais, en même temps, je pense qu’il y a aussi un certain nombre d’entrepreneurs avec des personnalités, des goûts et des opinions pas si lisses que ça, qui ne les expriment pas.
Voilà donc pourquoi je répondrai :
“Non, la différenciation n’est pas un but en soi. Le but est une vie alignée, où notre individualité n’est pas contrainte ni étouffée.”
MAIS, pour les gens avec des personnalités un peu plus épaisses et rugueuses, embrasser leur nature impliquera effectivement de se différencier.
La différenciation est un indicateur d’à quel point ils vivent alignés. [5]
pouah, section fumante
la filosofie hein
ça turbine
Les risques de la différenciation
Je serai bref : certes, ce qui est différent se retient plus facilement, mais, a contrario, ce qui est familier est plus facile à comprendre (cf. familiarity bias).
En poussant le curseur trop loin, on risque la cacophonie, la l’incompréhension, ou pire…

Donc attention à ne pas se différencier au point de devenir clownesque ou inintelligible.

Je vous laisse trouver ceux qui ont poussé le bouchon trop loin.
Comment se différencier ?
Comme l’auteur de l’article original, je considère que l’âge du moyen est aussi l’âge des opportunités, car il n’a jamais été aussi simple de se démarquer :

Et plutôt que de se demander explicitement “comment se différencier”, je propose plutôt de se demander ce qui nous en empêche.
Plus haut, je listais deux possibilités :
soit tous les individus se ressemblent
soit ils n’osent pas s’exprimer au travers de leurs entreprises.
Et je poursuivais en disant que “la vérité se trouve quelque part entre les deux”.
Je vais reformuler : à mon avis, c’est plutôt qu’on rentre tous dans l’une ou l’autre des catégories. Et à chaque catégorie, on peut donner un conseil différent. [6]
À la première, consciente de manquer d’aspérité et d’originalité, je rappellerai l’adage :
to change your outputs, change your inputs
En effet, nos goûts résultent en partie de nos éducation, amis, voyages, habitats, diètes de contenu, … Ce sont nos “inputs”.
Ainsi, changer l’un de ces éléments est le moyen le plus pertinent de se différencier, à commencer par la diète de contenu — la plus simple à modifier.
Pour de la pub, par exemple, abonnez-vous à The Ads Professor.
Plus largement, voici de la cerviture ;)
À la deuxième catégorie de personnes, plus originales, mais qui n’osent pas faire sortir des sentiers battus, je ferais remarquer ceci : vous avez probablement étouffé vos excentricités pendant votre enfance pour éviter d’être ostracisés.
Sage décision avant 16 ans, mais de moins en moins sage à mesure que les années passent. Ce qui vous permettait de vous intégrer il y a 20 ans vous rend désormais invisible.
Encore une fois, lisez ça. Je crois qu’il ne s’agit que d’une peur à éradiquer.
Dopamine shop
Un jeu !

Trouvez les noms des marques qui ont réalisées les publicités suivantes (petite “””surprise””” pour le gagnant).
Digressions
[1] J’insiste : une marque est bien plus qu’une identité visuelle, mais une identité visuelle est bel et bien incluse dans une marque (identité visuelle ⊊ marque). Plus simplement : une identité visuelle n’est qu’une des nombreuses manières dont une marque s’illustre.
[2] Attention, ça ne signifie pas non plus que l’IA sera inutile aux gens créatifs et de bon goût, seulement qu’ils devront affûter leurs compétences en prompt engineering pour empêcher l’IA de régresser trop fortement vers la moyenne.
Je pense à ce compte insta par exemple. On voit que son contenu est généré par IA, mais il n’en demeure pas moins original.
[3] “Ce qui est différent se retient plus facilement” est particulièrement vrai pour les humains : les non-fungible humans.
[4] Je vois cette idée émerger de plus en plus dans la culture entrepreneuriale, sous différentes formes :
dans le podcast Founders : David rappelle régulièrement qu’il a titré le podcast ainsi pour rappeler que le point de départ de l’entrepreneuriat est l’individu fondateur;
Shaan Puri rappelle régulièrement (pour les créateurs de contenu), que le meilleur contenu est “you, pushed out to the world”;
Chris Williamson parle “d’integrated man” dans Modern Wisdom — que je me permets d’interpréter comme une version actualisée du Renaissance Man.
(d’ailleurs, si je suis parfaitement honnête, c’est d’eux que me vient l’idée de vous en parler)
[5] C’est particulièrement vrai pour les freelances où l’intégration entre pro et perso — entre marque et personnalité — est la plus évidente. J’en appelle à ma douloureuse conclusion de l’année dernière : il faut Embrasser sa nature profonde.
[6] Pour être tout à fait franc, cette section m’a donné du fil à retordre et j’étais un peu réticent à l’idée de l’écrire.
D’un côté, je ne voulais pas donner de conseils trop spécifiques, car je considère que la différenciation est un effort éminemment personnel. Des conseils trop spécifiques seraient le reflet de ma personnalité — pas de la vôtre. Et ça, c’est contraire au but qu’on s’est fixé : vivre une vie alignée.
Mais de l’autre côté, si je donne des conseils trop généraux, on tombe dans le développement personnel un peu fumeux, et on peut raisonnablement se questionner sur ma légitimité.
Bref, j’espère avoir réussi l’exercice d’équilibriste.
À plus ✌️
Bastien.
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