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Freelance de Luxe
S'inspirer des méthodes du luxe pour performer et ajouter de l'épaisseur à son métier.
Introduction
Il y a peu, je ne connaissais d’Hermès que son carré. Je ne connaissais ni l’histoire de la maison, ni ses méthodes (vendre à des prix astronomiques; choisir ses clients; ne jamais faire de marketing; …). Jusqu’à ce que je lise la newsletter de Trung et écoute son podcast.
Je me suis alors retrouvé embarqué dans une spirale de podcasts sur le luxe (Estée Lauder, Dior, Chanel, …) dont je suis sorti complètement fasciné (et légèrement obsédé).

En fait, j’ai réalisé que le luxe avait réalisé des exploits que nulle autre industrie n’avait accompli simultanément : survivre pendant des siècles, exercer une emprise totale sur ses clients, n’être ignoré de personne et jouir de marges colossales.
Et, naturellement, je me suis demandé s’il était possible pour un simple freelance comme moi de jouir des mêmes retombées.
Est-ce qu’un freelance qui appliquerait les méthodes du luxe observerait les mêmes effets ?
Ce serait une manière intéressante de découpler ses revenus de son temps de travail…
Je m’explique.
Quand on achète un sac Birkin pour plusieurs dizaines de milliers d’euros, on ne paye pas seulement le sac, on paye aussi la marque Hermès et le statut qu’elle nous confère.
Or, même si construire une telle marque demande des efforts, il n’est pas nécessaire de recommencer de rien à chaque nouveau sac à main.
Imaginez qu’un freelance puisse faire la même chose.
Imaginez un freelance qui aurait transposé les pratiques du luxe à ses services.
Imaginez un freelance dont la marque serait devenue tellement forte qu’elle confèrerait du statut à ses clients.
Un tel freelance pourrait vendre ses services, mais également sa marque — comme Hermès — et ainsi découpler ses revenus de son temps de travail (au moins partiellement).
Ainsi, l’ambition de cet essai est simple : voir dans quelle mesure les méthodes du luxe pourrait s’appliquer au freelancing.
On abordera la question en trois parties :
qualité
freelance et manipulation
mystique
Je conclurai ensuite, notamment avec un tl;dr des 32 tactiques du luxe transposables au freelancing que j’ai identifiées.
Aller, sans plus attendre, parlons de la qualité. Plus spécifiquement, voyons comment un freelance pourrait s’inspirer du luxe pour augmenter la qualité de ses prestations.
Qualité
En effet, le luxe ne laisse rien au hasard : la qualité est omniprésente, sur tous ses points de contacts, dans tout ce qu’elle produit.
Livrables annexes
Hermès vend certes des sacs, mais comme toute entreprise de luxe, son produit principal s’accompagne d’une flopée d’articles annexes : un emballage, un fascicule d’explications, un reçu, …
Ça se transpose très bien au freelancing, qui, lui aussi, regorge de livrables annexes (roadmap, devis, factures, …). De la même manière qu’Hermès n’emballe pas ses sacs avec du papier craft, un prestataire de services b2b de luxe accorderait une attention toute particulière à la qualité de ses annexes — à commencer par le devis.
C’est vrai qu’en le préparant, on consacre du temps à écrire un document pour un prospect qui ne collaborera peut-être jamais avec nous. Certains freelances en viennent donc à se dire que c’est une perte sèche et qu’on doit minimiser le temps passé à le confectionner.
Je pense que c’est une erreur de jugement.
Le devis n’est pas seulement un document administratif, c’est un document marketing : la signature d’un prospect dépend en grande partie de la qualité de ce devis.

Et après plusieurs mails de ce type, j’ai désormais la conviction que c’est la bonne approche.
Et après le démarrage de la mission, sans surprise, on accordera la même importance aux documents annexes.
À l’instar de ceux du luxe, ils seront tous clairs, alignés sur la charte graphique et agréables à lire — si ce n’est divertissants :

que ce soit la roadmap de gestion de projet…

…la base de données de suivi du temps…

…ou la documentation de fin de mission.
Bref, prestation de service de luxe ⇒ livrables annexes d’extrême qualité.
(j’ai certes illustré avec mes propres livrables annexes, mais je n’ai pas encore atteint les standards requis par le luxe, je ne me leurre pas)
Communication
Vous remarquerez deux choses en vous rendant dans une boutique de luxe :
les vendeurs s’expriment dans un Français irréprochable
ils se tiennent disponibles, sans vous harceler.
À leur instar, on peut tirer deux leçons de communication pour la prestation de service b2b.
La première, c’est que nous devrions nous aussi nous exprimer dans un Français irréprochable (ce qui, soit dit en passant, ne devrait pas être un standard de luxe). [1]
La deuxième, c’est d’ajuster notre fréquence de communication :
en communiquant trop souvent, nos messages perdront de leur impact et nos clients finiront par les survoler
en communiquant trop rarement en revanche, on risque de les inquiéter (”est-ce qu’il avance aussi bien qu’il l’a promis ?”)
À la recherche de cet équilibre, j’ai implémenté plusieurs règles qui me semblent bien fonctionner avec mes clients :
répondre le plus vite possible à leurs questions
caler un rendez-vous hebdomadaire incontournable (on y reviendra)

les solliciter un minimum entre ces rendez-vous en groupant mes demandes lorsque j’en ai, et en les communiquant de manière structurée (bullet points, titres, formatage, etc.)

Bref, prestation de service de luxe ⇒ communication d’extrême qualité.
Sur-mesure
Mais ce n’est pas tout.
Ce qui augmente aussi la qualité du luxe, c’est que ses produits sont souvent sur-mesure.
Un pantalon sur-mesure, par exemple, vous laissera toujours une impression de qualité supérieure à un pantalon de fast-fashion — même bien coupé.
Il se passe quelque chose de psychologique que je ne saurais expliquer.
Un peu comme si l’entreprise vous attendait.
Elle savait que vous alliez venir.
Elle savait que vos cuisses sont complètement disproportionnées 🌝
Et pour le coup, le sur-mesure se transpose très bien à la prestation de service b2b. C’est même ma thèse de marché depuis que j’ai décidé d’abandonner l’idée des offres packagées.
Les offres “packagées” sont la méthode préférée des freelances avec un peu de bouteille pour augmenter leurs revenus. Mais qui dit “offres packagées”, dit “packages”, “templates”, “prêt-à-l’emploi”, … Bref, fast-fashion — le contraire du luxe.
Ça ne veut pas dire que les templates sont de mauvaise qualité (de même qu’il existe de bonnes marques de fast-fashion), mais toutes choses égales par ailleurs, c’est toujours le sur-mesure qui laissera la plus forte impression de qualité.
Voilà pourquoi je pense qu’un prestataire de service qui voudrait tendre vers le luxe aurait intérêt à faire des prestations sur-mesure.
Il aurait intérêt à devenir ébéniste à l’heure où tous les autres rêvent de devenir Ikea [2]
Recrutement
La qualité d’une entreprise est directement liée à la qualité des personnes recrutées.
Hermès n’augmentera pas ses effectifs brutalement pour absorber une demande grandissante [3] de même qu’ils ne baisseront pas leurs standards de recrutement.
Au contraire, ils continueront de trier leurs artisans sur le volet et de les former longuement pour maintenir leurs standards de qualité.
C’est l’exact contraire de ce que font la plupart des agences :
délivrer des prestations de très bonne qualité pendant leurs premiers mois d’existence
avoir de plus en plus de demande et devoir recruter pour la satisfaire
mais vouloir conserver les marges les plus élevées possibles, donc recruter des gens pas chers, donc médiocres
la qualité des prestations en pâtit, les clients perdent confiance et la demande diminue.
Bref, une entreprise qui voudrait faire du luxe devrait prendre son mal en patience à l’étape 3. en s’imposant des standards de recrutements élevés. [4]
Services de luxe ⇒ recrutement d’extrême qualité.
1 + 1 = 3
Je finirai en disant que la qualité d’une entreprise de luxe n’est pas la somme de la qualité de son produit, de ses annexes, de sa communication, de son recrutement, …
En fait, puisqu’elle a réussi à rehausser tous ses standards simultanément, la qualité du résultat est supérieure à la somme des parts.
1 + 1 = 3, en quelque sorte.
Freelance et Manipulation
Le signalement de statut est consubstantiel au luxe : en achetant un article de luxe, on augmente aussi notre statut social.
Ça semble évident en ce qui concerne le b2c, mais ça l’est beaucoup moins dans le b2b. Peut-on vraiment dire qu’une entreprise cherche à augmenter son statut social ? Et d’ailleurs, qu’est-ce que le statut d’une entreprise ? Comment le définir ?
Après y avoir longuement réfléchi, il me semble effectivement que les entreprises ont du statut et qu’il se décline ainsi :
le statut de l’entreprise aux yeux du monde
le statut des membres de l’entreprise aux yeux du monde
et, enfin, le statut de certains membres de l’entreprise au sein de l’entreprise.
Et donc, un freelance qui voudrait employer les méthodes du luxe devrait s’employer à augmenter les trois simultanément.
On va voir comment.
Disclaimer
L’essai va prendre une tournure légèrement machiavélique que j’aimerais justifier ainsi :
je préfère vivre dans une société où on laisse les gens acheter des couteaux, en les prévenant qu’ils sont coupants, plutôt qu’une société où on les bannit complètement.
comme Robert Greene dans Laws of Human Nature, je pense qu’on ne peut pas échapper au “jeu” humain de l’influence — mieux vaut en maîtriser les règles, et les utiliser à bon escient, comme le couteau de ma métaphore du dessus.

À titre personnel OUI, j’entends bien utiliser certaines des tactiques que j’ai évoquées, et surtout pour amplifier des mécaniques déjà existantes.
Supposons par exemple que mon client ait contribué techniquement au projet dont j’avais la charge. Plutôt que de taire sa contribution et de tirer la couverture à moi, je l’amplifierai pour “pousser la couverture à lui”.
Je pense également que la plupart des techniques d’influence sont justifiables lorsqu’elles se font dans l’intérêt des deux parties.
Par exemple, pousser le client à s’investir toujours plus dans notre collaboration est honnête tant qu’on livre un travail de qualité et qu’il en a pour son argent.
A contrario, je ne préconise jamais de mentir (la limite à ne pas franchir, selon moi).
Bon et puis et je trouve tout simplement plaisant de jongler avec des idées discutables, voire répréhensibles.
Allez, voyons comment augmenter le statut de nos clients.
1. Le statut de l’entreprise aux yeux du reste du monde
Imaginez que Nike collabore avec Hermès ou avec Marque Repère. À votre avis, laquelle des deux associations augmentera son statut ?
C’est ce qu’on appelle le biais d’association. [5] Et ce que j’ai appelé “statut de l’entreprise aux yeux du monde”, est en fait sa marque.
Or les marques se déversent les unes dans les autres lorsqu’on les associe. C’est mathématique.
Donc, à l’instar du luxe, si on veut augmenter le statut de nos clients, il faut que notre marque soit supérieure à la leur (pour qu’ils en tirent un bénéfice) mais pas trop non plus (pour ne pas qu’ils nous tirent vers le bas).
Donc finalement, augmenter le statut de notre client aux yeux du reste du monde, se réduit dans un premier temps à augmenter notre propre statut.
Les techniques de manipulation suivantes devraient aider :
Rareté
C’est un classique qu’Hermès applique à merveille : le “il n’y en aura pas pour tout le monde”. C’est vrai dans leur cas; ça l’est pour nous aussi, car, en tant que prestataires de services, notre temps est limité.
Donc plutôt que de laisser croire qu’on peut supporter n’importe quelle charge de travail et un nombre infini de clients, soyons honnêtes en annonçant un nombre limité d’emplacements.
Ça aura un effet bien connu : amplifier notre rareté et l’envie d’accéder à nos services. Et puisque c’est réellement le cas, on aurait bien tort de s’en priver.
Escalade
On observe des mécaniques d’escalades chez Hermès et dans d’autres maisons de luxe. Ça commence par un carré de soie, puis des chaussures, puis un sac, …
Eh bien on peut appliquer la même chose en prestation de service : d’abord un petit audit pour lister les problèmes, puis un plan d’action pour montrer comment les résoudre, puis une mission pour résoudre le plus urgent d’entre eux, puis un projet pour en résoudre davantage, …
L’investissement en temps et en argent va croissant. C’est le moyen pour le client de tester la robustesse de la relation — de se mouiller la nuque avant d’aller à l’eau — et pour nous d’augmenter notre chiffre d’affaire.
Dit autrement, la customer lifetime value a toute les chances d’être plus élevée en escaladant progressivement, plutôt qu’en suggérant une mission à 20k€ de but en blanc.
Déséquilibre
Je parle de déséquilibrer le rapport de force, et je parle de le déséquilibrer en notre faveur évidemment. L’idée consiste à faire croire à nos prospects (pas nos clients) que notre temps est plus précieux que le leur.
Entrer en contact avec nous doit être légèrement laborieux et toujours soumis à conditions : on mettra du temps à leur répondre (si on leur répond).
Évidemment, je ne pense pas qu’il faille appliquer cette technique à nos débuts, mais uniquement après avoir sécurisé un flux constant de prospects entrants.
Et je déconseillerais également de maintenir un tel déséquilibre une fois la collaboration entamée. Ce serait se rendre infect aux yeux de nos clients et entacher la qualité de notre service.
En réalité, si nous sommes si avares avec nos prospects, c’est pour être généreux avec nos clients. La rapidité avec laquelle ils peuvent nous joindre est un luxe est un luxe qu’on n’offre pas à tout le monde.
Jamais acquis
Néanmoins, malgré notre disponibilité, nous ne sommes jamais complètement acquis à nos clients.
Oui, nous en avons d’autres.
Oui leurs projets aussi sont très intéressants.
Oui eux aussi nous payent grassement.
On ne s’empêchera pas de le rappeler aux détours de nos conversations. Comme en séduction : notre client ne doit jamais penser qu’il nous possède complètement. Il doit se battre pour nous conserver comme partenaire.
En résumé, voici la marche à suivre : augmenter notre statut ⇒ nous associer publiquement à notre client ⇒ augmenter son statut aux yeux du reste du monde par cette association.
2. Le statut des membres de l’entreprise aux yeux du reste du monde
Faisons un détour par la psychologie en parlant de narcissisme collectif. Il est caractérisé par :
une image grandiose du groupe auquel on appartient (ici, une entreprise)
Ses membres la décrivent comme “la meilleure entreprise”; “l’entreprise qui recrute le mieux”; “l’entreprise qui a fait la plus grosse levée de fonds”; etc.
un besoin de validation extérieur
Les réactions attendues lorsqu’on dit aux gens qu’on est membre de l’entreprise sont ”oh waw tu fais partie de
x? sérieux ?”; “bravo, j’aimerais trop bosser là-bas”; “purée tu dois être chaud…”; etc.une certaine hostilité à l’égard des autres groupes
En décrivant leurs compétiteurs, les membres de l’entreprise tiennent à peu près ce langage : ”nan mais
yc’est des branquignols, leur produit pue du cul, et ils arrivent quand même à nous prendre des parts de marché; je peux pas les blairer”
Pourquoi est-ce que je vous parle de narcissisme collectif me direz-vous ? Eh bien parce que c’est précisément ce narcissisme qu’on veut flatter si on veut se positionner comme prestataire de luxe.
Et pour le flatter, la méthode est simple : il suffit d’être ultra-sélectif, comme Hermès qui choisit ses clients bien plus que ses clients ne la choisissent. [6]
Or, une fois qu’on a été soumis à une telle sélection, si on revient à la définition du narcissisme collectif :
on se convainc aisément de l’excellence du groupe auquel on appartient
on obtient aisément l’approbation de ceux qui connaissent les critères de sélection
on devient hostile envers les autres groupes (par biais de cohérence, après avoir investi tellement d’efforts pour qu’Hermès nous choisisse, on aura beaucoup de mal à admettre que Chanel puisse aussi être une marque valable) [7]
Ainsi, en tant que prestataires de service, il suffira d’appliquer les mêmes causes pour observer les mêmes conséquences. À nous d’être ultra-sélectifs. [8]
3. Le statut aux yeux des autres membres de l’entreprise
Cette fois, on va parler de statut au sein de l’entreprise. Et puisque le statut s’observe toujours en comparaison aux autres, “augmenter le statut au sein de l’entreprise” implique de ne pas augmenter le statut de tous les membres simultanément.
De qui doit-on augmenter le statut alors ? Eh bien, en premier lieu, de la personne qui fait appel à nous chez le client, et en second lieu de celle qui valide nos factures.
Et cette fois-ci on ne va pas s’inspirer du luxe comme précédemment (je voyais mal comment honnêtement), on va plutôt s’appuyer sur un de mes livres préférés : Les 48 Lois de Pouvoir, de Robert Greene.
La première loi du livre est complètement à-propos :

C’est valable en toutes circonstances d’ailleurs — qu’on soit courtisan, salarié, prestataire, …
Très concrètement, ça veut dire qu’il est contreproductif de faire étalage de nos compétences devant le reste de l’entreprise.
Si par chance nous étions bons au point de surpasser notre client, il pourrait se sentir menacé. Personne n’y a intérêt — ni lui, ni nous. On se gardera donc bien de fanfaronner devant tous les membres de l’entreprise. [9]
Mais qui va fanfaronner alors ?
Notre client !
Contrairement à la loi 1 on ne veut pas utiliser la loi 7 nous-mêmes, mais au contraire pousser notre client à l’utiliser avec nous :

Certes, nous devrons laisser notre égo à la porte. C’est dur : en ce qui me concerne, je déteste qu’on récolte les lauriers de mon travail et j’aime me faire féliciter.
Mais je n’avais jamais imaginé que les lauriers puissent m’être “volés” de mon plein gré; que je puisse les donner à dessein et que ça fasse partie de mon service.
Désormais, puisqu’il m’a accordé sa confiance, le client recevra non seulement le livrable qu’il est venu chercher, mais également une opportunité tacite de se faire féliciter en interne.
Et là certains peuvent se dire : “Bah ouai, mais du coup, s’il n’y a qu’une personne dans l’entreprise cliente qui sait ce dont on est capable, ça veut dire que cette personne a droit de vie ou de mort sur nous. On est toujours sur le fil.”
La loi 11 entre en scène :

La personne avec qui nous travaillons chez le client sait ce dont nous sommes capables. Elle n’est pas bête : le jour où nous nous serons rendus indispensables, c’est elle qui se battra pour que nous restions, si jamais nous nous trouvions sur la sellette.
Mystique
Le luxe œuvre en permanence à créer une mystique autour de ses marques — amplifiée par le secret et les rituels (lancements, défilés, …).
Leurs mystiques donnent l’impression à leurs clients d’avoir rejoint un culte, et, sans qu’ils s’en aperçoivent, augmentent leur implication dans le destin de la marque.
Une mystique puissante transforme les clients en fidèles.
Et je pense que formulé ainsi, on voit aisément pourquoi on voudrait faire exactement la même chose en prestation de service.
Encore une fois, utilisons les 48 Lois de Pouvoir comme support. Les cinq étapes de la loi 27 sont toutes indiquées (sauf la 4 que j’exclurai) :

En détail, voici le plan que je compte suivre :
étape 1 : rester vague et simpliste
étape 2 : faire appel aux sens plutôt qu’à l’intellect et j’évoquerai les cinq sens
étape 3 : ritualiser nos prestations de service à l’aide de trois leviers :
bien nommer nos rituels (il y en a trois en freelance, l’onboarding, le weekly et l’off-boarding)
leur assigner des cérémonials précis
leur associer des lieux de culte
étape 5 : désigner un ennemi
étape 6 : rappeler notre héritage
Revenez à ce plan si vous perdez le fil pendant votre lecture ;)
Étape 1 : rester vague et simpliste
Au lancement de Chanel n°5, Gabrielle Chanel a bien évidemment gardée secrète sa recette de fabrication. De la même manière, je pense qu’un freelance qui voudrait cultiver sa mystique en restant vague ne devrait pas révéler ses méthodes, seulement ses résultats.
Mon cas est le parfait contre-exemple : je révèle tout de mes méthodes dans mes études de cas très fouillées. C’est absolument contraire à l’entretien d’une mystique.
Avant de vous écrire, j’avais du mal à concevoir de ne pas le faire. Comment pourrais-je attirer de nouveaux clients si je cultivais le même secret que Chanel ou Hermès ?
D’après le livre Luxury Strategy (pas lu), la métrique clé du luxe est :

Or, je ne voyais pas comment faire croître le numérateur sans révéler mes méthodes — sans faire du quasi “build in public”. C’était une erreur de lecture de ma part : Greene explique qu’il faut être vague et simpliste, pas qu’il faut maintenir une omerta. La question n’est pas de s’exprimer ou non, mais avec quelle précision et avec qui.
En théorie, si je me contentais de partager les résultats de mon travail (e.g. témoignages clients) et uniquement avec une partie de mon réseau (triée sur le volet), je pourrais entretenir ma mystique sans endommager mon flux de prospects.
D’ailleurs, il y a fort à parier que ce serait bien plus efficace pour entretenir le bouche-à-oreille (on a beaucoup plus envie de parler de ce qui semble être un secret, une information rare, plutôt que d’une information largement diffusée).
Étape 2 : faire appel aux sens plutôt qu’à l’intellect
Dans le luxe, on sent les fragrances en boutique, on touche les flacons de parfum aux formes alambiquées, on visionne des quasi courts-métrages publicitaires, …
En tant que freelances c’est effectivement plus difficile et moins habituel. Mais est-ce un problème ? Non, au contraire, c’est un moyen efficace de se différentier.
À nous d’être créatifs pour que l’expérience sensorielle de nos clients soit incomparable. À cet égard, je pense que nos bureaux sont le terrain de jeu idéal.
Et là, je sais ce qu’on va me dire : “les freelances n’ont pas de bureaux; tes idées sont inapplicables bastien”.
Eh bien vous vous trompez.
Aujourd’hui, plus personne n’a de mal à admettre qu’un freelance puisse faire 300k€ de CA annuel. Je vous assure qu’avec 300k€ de CA par an, on peut mettre en œuvre mes idées.
Et là, les mêmes rétorqueront que générer 300k€ de CA par an est rare, que seule une minorité de freelances y parvient.
Je leur répondrai alors : “mais qui a dit que devenir freelance de luxe était facilement accessible ? Ai-je prétendu que tout le monde pouvait devenir freelance de luxe ?”
Et vous savez quoi ? Même sans bureaux, avec un peu de gymnastique intellectuelle, on pourrait quand même appliquer mes idées. On pourrait tout à fait a) aménager un espace chez nous pour accueillir nos client (comme beaucoup de psychologues par exemple), ou alors b) choisir soigneusement un espace de coworking.
Bref voici donc les idées qui me viennent pour transformer nos bureaux (au sens large) en théâtres sensoriels (rien que ça lol) :
Vision
La première chose sur laquelle travailler est évidemment la décoration et le design. Ce n’est pas juste pour faire plaisir à ses employés que Revolut a choisi ceux-ci.
Et encore, même si l’espace disponible et la vue depuis leurs bureaux donnent une impression de puissance, ils manquent terriblement de caractère.
Finalement, c’est du design moderne, de n’importe quelle tour moderne, de n’importe quel quartier d’affaires moderne, de n’importe quelle ville mondialisée moderne. En clair, c’est chiant et aseptisé.
Nous pourrions mieux faire.
Odorat
On peut tout à fait parfumer nos bureaux et choisir méticuleusement les odeurs à utiliser. C’est une tactique utilisée par beaucoup de boulangeries pour embaumer la rue juste en face de leur devanture et pousser les passants à rentrer.
Comprenez bien mon point : il ne suffit pas que “ça sente bon”. Des odeurs de croissants ou d’encens ne donneront pas du tout la même impression aux personnes qui visitent nos bureaux. Or, la finalité est l’impression, pas l’odeur elle-même.
Si le budget le permet, on pourrait même faire appel à un nez pour nous aider.
Toucher
Ça se jouera sur nos poignées de main, le mobilier (cuir ? tissu ?), la forme des poignées de portes, la texture du savon dans les toilettes (son odeur aussi d’ailleurs), la forme de la cuvette des WC, … [10]

Ouïe
On peut décider de la musique ou des sons à diffuser dans nos bureaux, de la manière dont ils sont insonorisés, … Comme pour l’odorat, les nocturnes de Chopin ne donneront pas la même impression que Prison of Flesh de Lorna Shore 🌝
Goût
Comme pour tout le reste, on ne choisira pas les amuse-bouches et les boissons à la légère. Comme pour tout le reste, il ne suffira pas que le goût soit plaisant : il faudra qu’il corresponde à la mystique qu’on s’efforce de créer.
Capri-sun et Oreo ne véhiculent pas la même idée que du café fraîchement torréfié et des Canelés bordelais, par exemple.
Étape 3 : singer les structures religieuses
On va aborder cette étape à l’aune des rituels, car ils sont le dénominateur commun à toutes les religions : Dimanche Saint chez les chrétiens, Ramadan chez les musulmans, se donner des grands coups de batons dans les couilles chez les boudhistes, ...

je peux pas m’en empêcher 🥲
Le luxe s’est inspiré des rituels religieux bien avant nous d’ailleurs, en ritualisant les lancements de collections, avec la Paris Fashion Week, etc.
Ça ne sera pas bien plus compliqué pour nous prestataires de services, car une prestation a déjà des temps forts bien délimités (onboarding, weekly, off-boarding, …).
Il ne faudrait pas grand chose pour les transformer en véritables rituels et effectivement “singer les structures religieuses”.
Plus spécifiquement, il suffirait de :
créer des cérémonials
de soigneusement choisir les lieux où les exécuter
et de bien les nommer.
On va aborder les trois points, en commençant par le dernier.
a. Bien nommer ses rituels
Les juifs ne disent pas “la journée où on ne touchera pas un interrupteur et qu’on finira en mangeant en famille” mais ”Shabbat”.
Les musulmans ne disent pas “le mois où on ne pourra ni manger ni boire tant que le soleil ne se sera pas couché” mais “Ramadan”.
Les chrétiens ne disent pas “les quarante jours où on ne mangera que très peu” mais “Carême”.
Et ce que je vais dire est vrai pour tous les rituels religieux :
on ne les désigne pas de la même manière d’un culte à l’autre
et on fait en sorte qu’ils sonnent un minimum solennels.
On peut aisément s’en inspirer dans nos prestations. On a d’ailleurs tous commencé à le faire en utilisant des anglicismes (kick-off, onboarding, off-boarding, …), mais ça me semble pas suffisamment solennel. [11]
Dans mon cas, j’ai choisi de les renommer ainsi :
onboarding → intronisation
weekly → messe
off-boarding → consécration
Attention, copyright :)
b. Créer des cérémonials
Mais évidemment, il ne suffit pas de bien nommer les temps forts d’une prestation pour les transformer en rituels. Il faut aussi leur assigner des pratiques reproductibles et distinctives : des cérémonials. Ils seront différents d’un freelance à l’autre, mais identiques d’un client à l’autre pour un même freelance.
Voici quelques idées pour chaque rituel :
1. onboarding intronisation
En ce qui me concerne, j’ai choisi de créer un espace Notion pour centraliser toutes les ressources de chaque mission.
Jusqu’ici, rien de nouveau ni d’original.
Mais, vous allez voir, c’est là que le mot “intronisation” prend tout son sens.
Je ne veux pas que l’intronisation soit un simple partage de ressources mécanique et froid, je veux en faire un réel rite initiatique — une invitation dans mon univers.
Pour cette raison, j’ai étoffé mon cérémonial d’intronisation en rappelant à mes clients :
mes méthodes
mes valeurs
en les éclairant sur ma vision
en partageant avec eux le contenu qui m’a le plus inspiré — un moyen de leur faire comprendre en profondeur qui je suis [12]
en partageant certains de mes succès passés (ceux dont ils peuvent s’inspirer pour la mission en cours)
en parcourant le tout avec une vidéo personnalisée

C’est à ça que ça ressemblait pour la mission que j’ai signée avec Lemlist en septembre 2025.
2. weekly messe
Idem, je vais prendre mon exemple pour illustrer, mais je pense qu’on pourrait largement étoffer mon cérémonial pour le rendre plus marquant.
La première chose que j’essaye de faire est de rentrer dans l’appel de bonne humeur, peut-être avec une anecdote et un moyen de casser le sempiternel “ça va ?” immédiatement suivi du non moins ennuyeux “oui et toi ?”.
En s’écartant du script que suivent 90% des gens en appel, on rappelle à l’interlocuteur qu’il se trouve dans un appel différent des autres et qu’il va pas pousser un caddie pendant 30 minutes.
Voici le reste du cérémonial :
arriver en appel avec un ordre du jour écrit — un moyen simple de :
montrer au client que son temps a de la valeur
conserver le fil de notre pensée
porter nous-mêmes la charge de l’appel et donc diminuer celle du client — plus on le soulage, meilleurs sont les termes de notre collaboration. [13]
prendre soin d’enregistrer l’appel (e.g. avec Notion AI que je recommande chaudement), pour ne pas être diverti par la prise de note et offrir toute notre attention au client, nous aussi.
3. off-boarding consécration
C’est l’ultime rituel — l’extrême onction 🙃. Et, encore une fois, je ne pense pas que mon cérémonial atteigne les standards du luxe, mais c’est une bonne base :
rédiger une documentation technique si la mission le justifie, en y incluant des vidéos qui sont souvent beaucoup plus digestes.
en fonction de la position hiérarchique du client, rédiger un document succinct qu’il pourra partager en interne pour se faire féliciter.
En vertu de ce que je disais dans Freelance et Manipulation, on aura soin de s’effacer de ce document — c’est le moment pour notre client de récolter les lauriers de notre travail.
envoyer un message solennel en fin de mission en retraçant ses grands moments et les résultats auxquels nous sommes parvenus. On pourra également réfléchir aux émotions qu’on veut susciter (loyauté, nostalgie, manque, …)

évoquer des idées de projets futurs qu’on pourrait mener.
La consécration est le moment idéal (particulièrement avant le paiement de la douloureuse), car, si la mission s’est bien passée, le psych du client est au plus haut (la mission se clôture brillamment, il réalise tout ce que vous avez fait pour lui, voit comment il pourra se faire féliciter, …).
Bref, c’est le moment d’instiller un goût de reviens-y.
cerise sur le gâteau : faire un cadeau de fin de mission (une bonne bouteille, un bon restaurant, …) — encore une occasion de jouer avec ses sens.
Idéalement, le “bouquet final” sera personnalisé et rappellera la collaboration qui s’achève.
Dans mon cas, lorsque je serai rentré en France, je crois que je leur enverrai la version originale du dessin qui servira à illustrer leur étude de cas. [14]
Rappel : on est toujours dans la partie Mystique où on se demande comment créer une mystique autour de notre marque, à l’instar du luxe. J’y réponds en 4 étapes, en m’inspirant du livre les 48 Lois de Pouvoir.
On est toujours à l’étape 3 : singer les structures religieuses.
Par ailleurs, j’estime que, dans notre cas, singer les structures religieuses se limite à ritualiser nos missions. Et, pour y parvenir, j’ai identifié trois leviers : a) bien nommer nos rituels; b) leurs associer des cérémonials; c) leur associer des lieux de cultes.
On vient de finir le a) et le b), c’est donc le moment d’aborder le c).
c. Choisir ses lieux de cultes
Les lieux de culte sont partie intégrante des rituels :
une cathédrale de 70m de haut avec des vitraux de partout est beaucoup plus propice à la spiritualité des disciples qu’un banc publique tapissé de crottes de pigeon à Paris
un Apple Store contribue bien davantage à la mystique d’Apple que le ferait un entrepôt Bricorama dans une Z.I en périphérie de Roubaix
En ce qui nous concerne, nous pourrions :
introniser le client dans notre chef-lieu (j’y reviens en-dessous)
réaliser les messes en visio avec un décor soigneusement aménagé
réaliser la consécration au restaurant [15]
En ce qui concerne le choix du chef-lieu — de notre Vatican — je pense qu’il est primordial. Beaucoup de marques et personnalités iconiques l’ont compris : les frères Michelin à Clermont-Ferrand, Ettore Bugatti à Molsheim, Claude Monet à Giverny, ...
Donc plutôt que de passer d’un coworking à l’autre, choisissons un lieu dont on ne bougera pas et que notre marque sanctifiera.
Bon et là certains vont probablement tiquer : on est en 2025, et tout le monde n’est pas prêt à faire une croix sur le télétravail (je parle en connaissance de cause).
Eh bien soit, mais dans ce cas, on portera une attention particulière au lieu de culte “virtuel” qu’on présentera en visio.

Une messe avec cet arrière-plan ne laissera pas la même impression…

…qu’une messe avec celui-là. [16]
Nous voici au terme de cette étape 3 un peu fleurie.
Pour récapituler : singer les structures religieuses” ⇒ ritualiser les missions ⇒ (a. nommer ses rituels; b. leur associer des cérémonials; c. leur associer des lieux de culte).
Passons à l’étape 5 de la loi directement (la 4 me semblait inapplicable).
Étape 4 Étape 5 : désigner un ennemi
L’ennemi d’Hermès est tout trouvé : LVMH. Hermès méprise le marketing tape-à-l’œil auquel se sont livrées les marques du groupe de Bernard Arnault et n’hésite pas à taper dessus (surtout après les carabistouilles de ce bon Bernard).
Théo Lion, le patron de Coudac, fait la même chose en désignant comme ennemies “les agences qui font du mauvais services”. Idem, avec les religions qui ont déclarent la guerre aux mécréants.
“Pourquoi donc désigner un ennemi ?” me direz-vous.
Parce qu’en collaborant avec notre entreprise, nos clients rejoindront de fait le combat contre nos ennemis désignés — une cause qui les dépasse et les transcende (toutes proportions gardées).
Or, une cause qui transcende donne encore plus de poids à une mystique, et engage encore plus fortement les fidèles.
Dans mon cas, je pourrais me dresser contre les personnes qui mettent “engineer” dans leurs job titles sans avoir de formation (ou d’expérience) en ingénierie, par exemple. [17]
Étape 6 : rappeler son héritage
Étape bonus, absente du livre de Greene, mais qui me semble pertinente ici (surtout après lecture de la newsletter de Trung).
Force est de constater que l’âge et l’ancienneté reviennent souvent dans le luxe et la religion. Leur capacité à perdurer fascine. Le fait qu’elles aient survécu à des temps que nous n’avons pas connu aussi.
Ce n’est pas pour rien que :
les grandes maisons de luxe rappellent systématiquement leurs dates de naissance si elles sont anciennes
les juifs et les hindous se vantent souvent d’être les disciples des plus vieilles religions du monde
Je suppose que Robert Greene ne l’a pas mentionné dans son livre, car on ne peut pas changer sa date de naissance. Mais, en tant que prestataires de service b2b, nous ne sommes pas complètement démunis non plus :
lorsqu’on a le choix entre plusieurs dates de fondation, on peut toujours choisir la plus vieille qu’il est honnête d’annoncer.
Typiquement, si on s’est un peu cherché, si on a pivoté plusieurs fois, etc. on ne choisira pas la date du dernier pivot.
on peut s’associer à d’autres marques beaucoup plus anciennes.
Dans mon cas, je peux mentionner mon école bicentenaire par laquelle sont passées des icônes d’un autre temps : Eiffel, Michelin, Bréguet, … (see what i just did? 🌝)
TL;DR
C’était dense mes histoires de mystique, un tl;dr intermédiaire ne sera pas de trop :
le luxe excelle dans l’art de créer des mystiques autour de ses marques ⇒ les freelances b2b de luxe devraient s’en inspirer
pour y parvenir, 4 étapes tirées des 48 Lois de Pouvoir sont pertinentes + 1 qui n’est pas mentionnée dans le livre :
étape 1 : rester vague et simpliste en ne révélant pas intégralement ses méthodes et en ne les partageant pas avec n’importe qui
étape 2 : faire appel au sens plutôt qu’à l’intellect, en particulier dans nos locaux, où on prêtera une attention particulière au goût, à l’ouïe, à la vue, au toucher et à l’odorat
étape 3 : singer les structures religieuses en ritualisant nos mission en :
choisissant soigneusement les noms de nos rituels
créants méticuleusement les cérémonials de nos rituels
et en sélectionnant soigneusement les lieux de culte où les effectuer
étape 4 étape 5 : désigner un ennemi et faire de notre marque le fer de lance pour le combattre
étape 6 : rappeler son héritage :
en choisissant la date de fondation la plus ancienne possible
en s’associant à d’autres marques à l’héritage beaucoup plus ancien que le nôtre
Aller, je crois qu’on a fini de voir comment un freelance pourrait s’inspirer des méthodes du luxe, il est temps de conclure. Je vous dirai notamment si je compte devenir freelance de luxe moi-même.
Conclusion
Vais-je devenir freelance de luxe ?
Probablement jamais.

attendez, je vais m’expliquer
Évidemment, en écrivant cet essai, je suis parvenu à des conclusions que je serais bien bête de ne pas appliquer :
d’abord par intérêt (facturer plus, améliorer ma réputation, etc.)
mais aussi pour ajouter de l’épaisseur à mon métier de growth engineer
En lui appliquant certaines méthodes du luxe, on se met à lui intégrer des éléments de psychologie, d’hospitalité et de design que je trouve fascinants. Il ne s’agit plus seulement de coder et d’automatiser pour les équipes go-to-market.
Néanmoins, est-ce que je me vois appliquer toutes les méthodes que j’ai énoncées et devenir un freelance de luxe en bonne et due forme ?
La réponse est non, car je me vois mal :
créer une marque parfaitement alignée avec les valeurs du luxe
Notamment parce que je suis en décalage avec le sérieux qui la caractérise :
je suis très drôle j’aime l’humour
j’aime intégrer des références à la culture internet dans mon contenu
j’utilise un vocabulaire tantôt vulgaire, tantôt châtié
garder mes méthodes secrètes
Mon portfolio et la qualité de mes études de cas semblent être de très bons arguments pour convaincre et attirer de nouveaux prospects. Mais j’ai quand même peur qu’en arrêtant de communiquer aussi abondamment, mon flux de leads inbounds se tarisse.
Ce que j’envisage peut–être, en revanche, c’est de ne publier que les témoignages clients et l’introduction des études de cas, puis d’en faire payer l’accès détaillé.
être excessivement sélectif
On veut tous travailler avec les meilleurs clients et les plus beaux logos. Mais il faut être pragmatique : en étant sélectif à hauteur de ce que demande le luxe, aujourd’hui, je réduirais considérablement mon chiffre d’affaires, malgré un flux inbound satisfaisant.
En revanche, il y a un positionnement adjacents à celui luxe et que je suis prêt à embrasser : un positionnement élitiste (profondément ancré dans mes valeurs et mon caractère) et artisanal.
Vous comprendrez pourquoi je parle d’artisanat dans le plaidoyer de la section suivante.
Embrasser la culture française
Pas une année ne s’écoule sans que la presse publie : “pourquoi aussi peu de licornes françaises ?”; “la France à la traine par rapport aux US”; “l’Amérique innove pendant que l’Europe légifère”; …
Et on s’épuise.
On se flagelle.
On se dit qu’on n’arrivera jamais à les concurrencer.
Mais ne serait-on juste pas en train de jouer à un jeu contre-nature ? Et plus spécifiquement, contre notre nature française.
Je m’explique.
Le luxe est intimement lié à la France, non seulement en tant que catégorie d’entreprise (LVMH, Hermès, …), mais aussi en tant que concept (qualité, raffinement, sophistication, …).
C’est le magnifique héritage que nous ont laissé nos ancêtres et dont on bénéficie tous malgré nous. Non seulement nous devons le préserver, mais nous devons le cultiver.
Il y a quelques mois, j’écrivais un essai sur l’importance d’embrasser sa nature. Je réalise en vous écrivant qu’il n’est pas seulement destiné aux individus, mais aussi aux nations.
Cessons de juger nos entreprises à l’aune de standards américains : levées de fonds, passage à l’échelle, capitalisations boursières faramineuses, …
Embrassons notre culture du luxe et son véhicule : l’artisanat.
Ça ne veut pas dire qu’il faut renoncer à la modernité ou à la technologie. Ça ne veut pas non plus dire qu’il faut se cantonner aux entreprises comme Hermès.
Ça veut plutôt dire que nous devrions infuser tout ce que nous entreprenons — de nos meubles jusqu’à nos automatisations n8n — de cet esprit artisanal.
En tout cas, c’est ce que je compte faire, à défaut de devenir freelance de luxe.
Et je vous enjoins à m’emboiter le pas.
TL;DR : récapitulatif des tactiques
Si vous êtes résolus à devenir freelance de luxe, voici le récapitulatif des 32 tactiques qui pourraient vous y aider [18] :
Nous y voilà, clap de fin, j’espère que vous avez apprécié cet essai.
Partagez-le avec un prestataire de service de votre entourage svp, j’en suis très fier ;)
Digressions
[1] À cet égard, outre les correcteurs orthographiques (qui ne seront d’aucune aide à l’oral), je pense qu’il y a de meilleures manières de régler les problèmes d’orthographe et de grammaire :
lire des livres :)
s’efforcer de bien écrire par message
s’entourer de personnes qui s’expriment bien et limiter les contacts avec les autres (oui, c’est radical, mais c’est parfaitement justifié — on intègre inévitablement les mots, les expressions et même les manières de rire des personnes qu’on côtoie)
Par ailleurs, je pense qu’il ne faut pas écouter les personnes qui disent que l’orthographe n’a pas d’importance. Ce n’est que l’expression de :
leur narcissisme

”regardez-moi, je suis tellement tolérant et dénué de préjugés face aux personnes qui font des fautes”
ou de leur complaisance (ils ont une orthographe déplorable et ne souhaitent pas l’améliorer)
[2] Ce n’est pas sans risque. En promettant de faire du sur-mesure on promet de faire à chaque fois quelque chose de différent. Donc on prend le risque de décevoir.
[3] Demande qu’ils ont de toute manière intérêt à ne jamais totalement satisfaire, afin de cultiver l’effet de rareté (rareté qui est donc réelle).
[4] Comme on recrute plus difficilement des gens excellents que des gens médiocres, recruter prendra peut-être un peu plus de temps — du moins au début.
Ensuite, on observe l’effet Matthieu : plus il y a de personnes excellentes dans l’équipe, plus les personnes excellentes veulent la rejoindre. Recruter devient (plus) simple.
[5] Et ça marche évidemment pour tout : si vous vouliez avoir l’air cool au lycée, il fallait trainer avec Max le skateur, pas avec Timothée le geek.
[6] On n’achète pas un Birkin comme on achète un croissant : il faut être venu plusieurs fois, avoir rencontré les vendeurs, avoir acheté d’autres articles auparavant, ...
[7] Il y a une autre catégorie d’institutions qui a encore mieux compris les mécaniques de sélection et de narcissisme collectif que le luxe : les grandes écoles françaises.
Et, chers lecteurs, je parle en connaissance de cause : j’ai étudié à CentraleSupélec — les trois symptômes du narcissisme collectif, je les connais par cœur 🌝
L’ultra-sélectivité des concours d’entrée 1. flatte l’égo des heureux élus qui sont convaincus de la supériorité de leur école, 2. leur vaut l’admiration de (quasi) tous les inconnus auprès desquels ils se présentent et 3. les fait détester l’X (qu’ils voulaient pourtant intégrer 4 mois plus tôt mdr)
[8] Évidemment, c’est une position très confortable, mais attention à ce que la demande soit bien au rendez-vous. Prôner l’exclusivité si personne ne se bouscule au portillon n’est que de la prétention qui repoussera le peu de prétendants qu’il nous restait.
Je pense qu’il faut avoir des standards de qualité très élevés dès le premier jour, mais ne faire monter la barre de l’exclusivité que très progressivement à mesure qu’on gagne en crédibilité et réputation. Ça prend du temps.
[9] Attention, fanfaronner (avec finesse) est plutôt une bonne stratégie lorsqu’on est salarié de l’entreprise : il faut se faire voir, occuper l’espace et montrer qu’on délivre si on veut être promu.
Mais dans le cas de la prestation de service — j’insiste — la stratégie est toute autre : il n’y a qu’auprès de notre contact chez le client qu’il est utile de fanfaronner (et toujours avec finesse).
[10] Des WC réussi = des WC sur lesquels on n’a pas besoin de faire un siège de PQ avant de s’assoir, qui ne nous aspergera pas les fesses à chaque plouf et sur lesquels on peut rester scroller sur instagram pendant une heure, puis s’en relever sans marques rouges sur les cuisses. Ouai je m’y connais 🌝
[11] Et puis ça va vous semblez bêtement chauvin, mais ça me saoule que notre langue se fasse coloniser. On reviendra plus tard à notre “francité”, comme on dit, car je pense que c’est un atout qu’il faut pas seulement préserver, mais cultiver.
Attention, je ne parle pas des entreprises internationales qui n’ont pas vraiment d’autre choix que de faire de l’Anglais leur langue principale. Je dis simplement qu’il faut choisir : soit Français, soit Anglais, et que si le choix du Français est possible, il faut le privilégier.
[12] Je pense que vous serez d’accord avec moi : être fan de Justin Welsh, de Paul Graham ou bien de Yomi Denzel disent à chaque fois des choses très différentes.
“Dis-moi qui tu aimes, je te dirai qui tu es” ~ Victor Hugo.
[13] Attention, il y a encore un équilibre à trouver. Si le client est complètement désinvesti, la mission n’avancera pas, et il finira par négliger votre contribution et son importance. Il faut quand même qu’il y consacre du temps.
Mais ça ne veut pas dire que ça doit lui peser de le faire. Il peut tout à fait prendre des décisions importantes sur la direction du projet (donc s’investir), sans que ça n’encombre ses pensées en dehors de vos réunions.
[14] J’ai décidé d’illustrer moi-même mes essais et mes études de cas et d’abandonner Canva. C’est ce que j’ai fait pour cet essai typiquement. Je reviendrai sur les raisons un peu plus loin.
[15] L’idée du restaurant m’est chère car elle recoupe avec beaucoup de choses déjà évoquées :
un restaurant est un lieu chargé, qui stimule tous les sens (vue s’il est bien décoré, ouïe s’il y a de la musique, odorat avant que le repas n’arrive, goût bien évidemment, toucher en fonction de la qualité du mobilier, des couverts, …).
on fait rentrer le client encore plus profondément dans notre univers, en dévoilant nos goûts et notre sensibilité. On sort du simple monde des affaires. On s’élève.
même si ce n’est pas nous qui avons préparé le repas, s’il est bon et si le client passe un bon moment, c’est évidemment à nous et à notre marque qu’il l’associera (cf. biais d’association dont on a déjà parlé)
si on se rend toujours dans le même restaurant avec nos clients, il est probable qu’on sympathise avec ses employés et le patron : il y aura des mots gentils, de la connivance, des tapes sur l’épaule, des blagues — autant de choses qui montrent que nous sommes appréciés — ça ne peut que nous servir.
[16] Et il ne s’agit pas que de l’arrière-plan, mais également de notre posture face caméra.
Mes clients peuvent en témoigner après avoir un peu trop souvent découvert le contenu de mes narines 🌝 Ça arrive une fois par semaine, quand on s’appelle, que je peux pas zoomer sur ce qu’ils partagent avec moi à l’écran, et que je m’approche BEAUCOUP trop près de ma caméra.
Si vous voulez creuser le sujet, il est partiellement abordé dans ce très bon podcast.
[17] C’est un ennemi valable et je suis bien positionné pour combattre. On m’a déjà contacté parce que j’avais une formation d’ingénieur supposée me permettre de penser en “systèmes”.
Les prospects en question avaient du mal à trouver ce mode de pensée ailleurs que chez les ingénieurs, et s’étaient retrouvés avec des infrastructures go-to-market (i.e l’ensemble des outils, automatisations et bases de données destinées au marketing et à la vente) complètement dispersées.
[18] Ne prenez pas ces tactiques comme paroles d’évangiles : elles sont la combinaison de mes lectures, de mes réflexions et parfois de mes expériences en freelance — rien de plus.
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