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Transformer une extension chrome en SaaS
On s'est mis en teÌte de transformer une extension chrome en reÌel SaaS. Malheureusement, la release ne s'est pas passeÌe comme preÌvu.
Jâai rĂ©Ă©crit cet Ă©pisode un an aprĂšs sa publication. Je dirais pas quâil mâa cringĂ© autant que les prĂ©cĂ©dents, mais il demandait quand mĂȘme une petite repasse.
Par ailleurs, lâextension chrome en question nâest plus maintenue (bien quâelle soit toujours disponible et fonctionne toujours).
Il y a un an et demi, pour la premiĂšre fois, jâai dĂ©veloppĂ© et publiĂ© une extension chrome qui sâappelait LinkedIn to Notion (on a dĂ» changer de nom, explications plus bas). Je lâai ensuite oubliĂ©e sur une Ă©tagĂšre dâoĂč elle nâa plus bougĂ© pendant plusieurs mois.
Quand soudain, je me suis aperçu que cette extension (pas trĂšs bien codĂ©e), dont je nâavais parlĂ© quâune fois sur LinkedIn, Ă©tait utilisĂ©e rĂ©guliĂšrement par plusieurs dizaines de personnes. Mon alarme Ă âcomment faire effet de levier avec le peu que je possĂšde dĂ©jĂ â sâest alors dĂ©clenchĂ©e.
CâĂ©tait en juin 2023.
Depuis, il sâest passĂ© plein de trucs et jâai eu pas mal de dĂ©cisions Ă prendre. Le but de cet Ă©pisode, câest de partager mes rĂ©flexions et mes enseignements, notamment :
DâoĂč mâest venue lâidĂ©e de lâextension initialement
Pourquoi jâai promis de ne plus jamais lancer de projet seul
Pourquoi on lâa entiĂšrement reprogrammĂ©e de zĂ©ro
Pourquoi on a fait le choix dâun design insipide
Pourquoi on a fait le choix de la product-led growth
Et Ă la fin, je mâĂ©loignerai du sujet des extensions chrome pour parler de mĂšmes, de culture internet et de write in public.
GenĂšse
Barbotage dans le recrutement
En mai 2022, je finis mes Ă©tudes Ă CentraleSupĂ©lec. JâĂ©tais dans le parcours entrepreneuriat et je me suis mis en tĂȘte de monter une âagenceâ de recrutement que jâai appelĂ©e Recruitivity.
En rĂ©alitĂ©, je nâai pas rĂ©ussi Ă ĂȘtre plus quâun recruteur en freelance. Et, en tant que tel, je reposais lourdement sur Notion :
Câest un funnel factice : je lâai rempli avec quelques-uns dâentre vous, chers lecteurs.
Jây mettais tous les profils (prĂ©nom, nom, entreprise, poste, âŠ) que jâavais copiĂ©s sur LinkedIn et qui correspondaient aux exigences de mes clients. CâĂ©tait pratique, efficace et gratuit đ
Il ne restait quâun dĂ©tail Ă rĂ©glerâŠ
Les copier-coller
Il me fallait un moyen de sauvegarder les profils LinkedIn dans mes base de données Notion, en 1 clic, sans un seul copier-coller.
Câest pour ça que jâai initialement crĂ©Ă© LinkedIn to Notion. HonnĂȘtement, ça mâa fait gagner beaucoup de temps sur mon sourcing. Beaucoup.
Ă ce moment-lĂ , jâai compris que ce que jâavais construit pouvait ĂȘtre utile Ă dâautres. Alors jâai partagĂ© mon extension chrome, sur LinkedIn, avec dâautres recruteurs de mon rĂ©seau.
Ce fut ma seule publication.
Set and forget
Ensuite, je ne me suis plus prĂ©occupĂ© de lâextension pendant plusieurs mois. JâĂ©tais davantage investi dans lâagence que jâessayais de monter, jusquâen avril 2023 â le moment oĂč jâai dĂ©cidĂ© de revenir au freelancing (sans vellĂ©itĂ©s dâagence).
Je me suis Ă nouveau penchĂ© sur LinkedIn to Notion par curiositĂ© : quâĂ©tait devenue mon extension ?
Bilan :
500 installations (mais la moitiĂ© de dĂ©sinstallations đ« )
Quelques dizaines de personnes qui lâutilisent rĂ©guliĂšrement
Une poignée de concurrents
Pas mal pour un truc dont je nâai parlĂ© quâune fois !
Vision
Du coup, jâimagine un monde dans lequel ça nâest plus une simple extension mais un vrai SaaS avec un Monthly Recurring Revenue dĂ©cent.
Seulement, aprĂšs avoir Ă©chouĂ© seul sur un projet dâagence, je sais maintenant dâexpĂ©rience quâil me manque une chose essentielle pour transformer mon extension en SaaS : une Ă©quipe.
Câest pour cette raison que je me suis associĂ© Ă Gauvain â une de mes meilleures dĂ©cisions des derniers mois.
Une sĂ©rie dâarbitrages
Dans cette partie, je retrace quelques-unes des grandes dĂ©cisions quâon a dĂ» prendre avec Gauvain. Je ne veux pas nĂ©cessairement encourager Ă faire les mĂȘmes choix, seulement engager une rĂ©flexion.
Se lancer seul ou Ă plusieurs
TL;DR :
Raisons de se lancer seul :
Si le projet réussi, on en récupÚre tous les bénéfices
Les prises de décisions sont beaucoup plus rapides
La vision dâun unique fondateur nâest jamais diluĂ©e
Entreprendre seul, câest retirer une variable dans le succĂšs de lâentreprise â il nây a personne dâautre que soi-mĂȘme Ă blĂąmer.
Raisons de se lancer Ă plusieurs :
Convaincre un cofondateur est petit test sur notre capacité à convaincre des clients
Ă plusieurs, les victoires sont plus savoureuses et les Ă©checs plus supportables
Le jeu de la NASA prouve que les dĂ©cisions prise par une Ă©quipe aux compĂ©tences similaires (â ce point est important) est toujours meilleure que la meilleure dĂ©cision prise par un individu seul
Savoir travailler en groupe est nĂ©cessaire pour mener Ă bien des projets ambitieux et on peut dĂ©velopper cette compĂ©tence sur des projets de nâimporte quelle ambition
Câest un moyen de passer un crible sur son rĂ©seau pour connaĂźtre les personnes avec lesquelles on est compatible professionnellement
Je pense que les raisons de se lancer Ă plusieurs lâemportent sur les raisons de se lancer seul. VoilĂ pourquoi je travaille maintenant avec Gauvain sur ce projet.
Product-led growth ou sales-led growth
On a commencĂ© par entĂ©riner notre association avec un âGentlemenâs Agreementâ (i.e une espĂšce de contrat pas trop formel, mais un peu quand mĂȘme) dont voici lâintroduction :
Ecrire notre engagement et le signer a eu deux avantages :
Il a donné un ton un peu solennel à notre association (par conséquent plus engageante)
Il nous a permis de graver dans le marbre les objectifs directeurs du projet.
Je pense vraiment que des objectifs sâĂ©crivent. Le meilleur moyen de nâen atteindre aucun, câest dâavoir des objectifs flous et mal dĂ©finis. Or, câest beaucoup plus difficile dâĂȘtre flou Ă lâĂ©crit quâĂ lâoral. Donc il faut les Ă©crire.
Maintenant, jâaimerais expliquer pourquoi est-ce quâon a autant mis lâaccent sur la product-led growth. En fait, lâalternative aurait Ă©tĂ© de faire comme 80% des SaaS : gĂ©nĂ©rer des leads pour les sales qui auraient ensuite fait leur possible pour les transformer en clients.
Pour certains types de produit, on ne peut pas y couper : il faut un commercial pour faire une dĂ©mo du produit et plusieurs rdv pour le convaincre dâacheter. Mais en rĂ©alitĂ©, pour lâĂ©crasante majoritĂ© des SaaS, il est possible de procĂ©der diffĂ©remment.
Extrait du livre Product-Led Growth, Wes Bush.
Il est possible de faire de la product-led growth â Ă mi-chemin entre du design, du produit et du dĂ©veloppement. Contrairement Ă la sales-led growth, la croissance nâest pas exogĂšne, elle est intrinsĂšque. Elle est inscrite dans les fonctionnalitĂ©s du produit.
Et ça, en plus dâĂȘtre pertinent dans lâabsolu, câest particuliĂšrement pertinent pour une petite Ă©quipe de devs sur un side-project. : on fait un bien meilleur usage de notre temps en dĂ©veloppant des fonctionnalitĂ©s sans perdre la croissance de vue, plutĂŽt quâau tĂ©lĂ©phone avec des prospects.
Ce que je veux dire câest quâil nây a pas que lâoutbound dans la vie et le bon modĂšle de croissance dĂ©pend (entre autres choses) des compĂ©tences de lâĂ©quipe.
Bref, product-led growth ou non, il fallait ajouter des fonctionnalitĂ©s Ă notre produit. Et câĂ©tait impensable de le faire par-dessus mon vilain code vanilla (i.e sans aucun framework de dĂ©veloppement, tel que react.js).
Un gros changement sâannonçait.
Quick and dirty
Câest le chantier qui nous a occupĂ© ces trois derniers mois : le choix dâune stack technique performante pour lâextension chrome puis rebĂątir lâextension de zĂ©ro par-dessus.
à ce moment-là , deux visions se sont confrontées :
La vision hĂ©gĂ©monique dans la startup nation â âmove fast and break thingsâ by Facebook.
Investir du temps en amont pour en gagner en aval.
Les partisans du âquick and dirtyâ auraient directement itĂ©rĂ© par-dessus ma codebase.
Puis, un jour pas si lointain, ils auraient rencontrĂ© un mur, Ă la hauteur de la dette technique quâils auraient accumulĂ©e. En revanche, ils auraient gagnĂ© des utilisateurs plus rapidement.
HonnĂȘtement, je comprends la motivation du âquick and dirtyâ, mais le fait que ce soit devenu un dogme mâinterpelle. Comme tous les autres dogmes, jâaime bien les questionner et vĂ©rifier que si je les suis, câest bien parce que je lâai dĂ©cidĂ©.
Bref, comme Gauvain et moi somme plutĂŽt des âinvestisseursâ. Nous avons prĂ©fĂ©rĂ© investir du temps en amont pour choisir une stack sur laquelle il sera plus rapide dâitĂ©rer en aval.
Gauvain a joué un rÎle majeur lors de cette premiÚre étape : grùce à lui on a une stack technique moderne et un projet (open-source) bien organisé.
Glow up (mais pas trop)
Câest pas tout dâavoir une stack technique moderne. Câest mĂȘme invisible pour lâutilisateur. Contrairement au⊠design.
Et lĂ , câĂ©tait lâheure du relooking.
Seulement, on avait une grosse contrainte, quasi antithĂ©tique. Pour lâexpliquer, je vais faire un petit dĂ©tour.
En fait, je suis convaincu quâavoir une marque forte est un puissant levier de croissance (e.g Liquid Death ne vendrait pas une seule canette sans sa marque). Mais pour que ça marche, il faut que la marque rĂ©sonne avec notre cible.
Or nous, on ne sait pas encore bien qui est notre Ideal Customer Profile. On ne sait pas si câest un recruteur en freelance, ou bien le premier recruteur dâune startup early-stage.
Donc pas la peine de construire une marque si câest pour la jeter Ă la poubelle deux mois plus tard.
Et lĂ , jâen reviens au design : le design nâest que lâun des nombreux vĂ©hicules dâune marque. Donc si on ne veut pas que la marque soit clivante, a fortiori, le design ne peut pas lâĂȘtre non plus.
Câest pour cette raison quâil nous fallait un truc Ă la fois propre et insipide. Il nous fallait un design gentil đ pas de vagues.
Le design nâest pas une discipline dâartiste dĂ©sintĂ©ressĂ©. Il ne sâagit pas âdâĂȘtre joliâ mais de fluidifier lâUX et de renforcer la marque. Donc la bonne posture nâest pas celle dâun peintre face Ă une toile blanche (ce que jâai tendance Ă faire).
Jâai tentĂ© des trucs sur Figma, et comme souvent, câĂ©tait un peu baroque, un peu trop fleuri â juste âun peu tropâ. Jâai invoquĂ© le joker Sixtine Mailleux pour nous aider (une de mes meilleures amies, excellente designer).
GrĂące Ă ses conseils, Gauvain a pu modifier ce que jâavais crĂ©Ă© et construire le design parfaitement neutre quâon connait aujourdâhui.
Il ne restait plus quâune chose Ă faire.
Publier lâextension (sous un nouveau nom đ€Ą)
Une fois quâon a reprogrammĂ© et re-designĂ© lâextension, on nâa en rĂ©alitĂ© fait que 90% du chemin. Câest bien, mais les 10% restants sont vitaux : il faut la (re)publier, et vite ! Parce que ça fait dĂ©jĂ 3 mois quâon est sur le projet et quâil ne sâest rien passĂ© de significatif pour les utilisateurs.
On a donc visĂ© lâefficacitĂ©, Ă commencer par notre nouveau nom đ
VoilĂ pourquoi nous avons dĂ» changer de nom.
Heureusement, jâavais encore le nom de domaine de mon âagenceâ Recruitivity sous la main. On a donc pris le nom recruitivity temporairement, et dĂ©cidĂ© de nous poser des questions existentielles plus tard.
Le reste du 80/20 câest lâĂ©criture. Quoi quâon en dise, le plus important en marketing, Ă lâĂ©crit ou Ă lâoral : ce sont les mots.
Donc on passe une semaine comme ça, Ă Ă©crire notre contenu, vidĂ©os, slides, emails ; Ă tout calibrer, peaufiner, ajuster. On sait que lâĂ©quipe du chrome store peut valider notre code dâun moment Ă lâautre.
Il faut quâon soit prĂȘts.
On se voit dĂ©jĂ rĂ©pondre Ă un torrent dâemails de fĂ©licitations, Ă recevoir des suggestions de fonctionnalitĂ©s toutes plus pertinentes les unes que les autres, Ă un appel de Macron, ...
Quand soudain :
Nice. On vĂ©rifie que lâextension est effectivement sur le store et on commence Ă envoyer les premiĂšres campagnes dâemails Ă nos (anciens) utilisateurs, par salves, pendant 10 jours.
Ă lâheure oĂč jâĂ©cris cet Ă©pisode, un mois a passĂ©, et lâheure du bilan a sonnĂ© et⊠je crois mĂȘme quâon a perdu des utilisateurs depuis la release mdr.
Tout ça Ă cause dâun minuscule changement dans nos fonctionnalitĂ©s â un changement microscopique, mais vital. Jâen parlerai en dĂ©tail dans un prochain mail pour pas que celui-ci fasse 600m de long.
Suspens.
Jâai envoyĂ© des mĂšmes Ă un prospect
Changeons de sujet avant de se quitter.
Il y a quelques jours, je me suis retrouvĂ© Ă envoyer un florilĂšge de mĂšmes Ă un prospect par mail. Quand je me suis vu Ă la 3Ăšme personne en train de le faire, je me suis dit quâon vivait une Ă©poque marrante. Pas dĂ©sagrĂ©able, mais marrante.
Pourquoi jâai fait ça ? Parce que mon prospect Ă©tait trĂšs déçu des performances de ses LinkedIn Ads dans lesquelles il a utilisĂ© des mĂšmes crĂ©Ă©s par ses soins.
CâĂ©tait une bonne idĂ©e, je ne lui jette pas la pierre. Mais jây ai vu la parfaite illustration du gap entre sa gĂ©nĂ©ration et la mienne.
On lâa tous observĂ© aprĂšs avoir montrĂ© un mĂšme ABSOLUMENT HILARANT Ă nos ancĂȘtres, sans rĂ©ussir Ă leur dĂ©crocher plus quâun sourire :
âAha, oui rigolo le chat. Allez, laisse-moi faire ma dĂ©claration dâimpĂŽts bastienâ
Jâai suggĂ©rĂ© Ă ce prospect de se baigner dans la culture internet oĂč circule lâessentiel des mĂšmes. RĂ©trospectivement, je me dis que la meilleure chose Ă faire aurait peut-ĂȘtre Ă©tĂ© simplement dâembaucher un jeune et de jouer du gap gĂ©nĂ©rationnel.
Write in Public
Ă plus đ
Bastien.
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